LE PRINTEMPS DES MARSEILLAIS
par
Philippe Caubère

Plus qu'un festival, c'est un geste. Dont l'initiative revient à Patrick Mennucci (il faut rendre à César...) et Frédéric Muhl Valentin, « patron » de la troupe des Carboni dont je fus parrain de l'un des spectacles et qui sachant mes difficultés à faire entrer Marsiho d'André Suarès dans Marseille Provence 2013, m'ont proposé de le donner au Théâtre Silvain. J'ai vu très vite que le lieu n'irait pas. Il me fallait en trouver un autre, et pour ici une autre idée. Elle m'est venue d'un coup : La Danse du Diable.
 
J'avais depuis longtemps envie de reprendre ce spectacle, sans jamais trouver la bonne occasion, ni le bon endroit. Sans aucun doute, c'était celle-ci et c'était celui-là. Quand j'ai su que Patrick Bosso était invité aussi, je me suis dit que le temps était venu enfin d'affronter quelque chose qui me tracasse depuis des années : la « branchitude ». La mode. La dictature d'un certain snobisme qui, à l'inverse de l'ancien, dont Jouvet disait qu'il fallait le respecter parce qu'il remplissait les théâtres, ne favorise plus la création, l'art, ni la vraie nouveauté. Qui les fige au contraire, les terrorise et finalement les tue. Un conformisme de parvenus et d'ignorants qui bannit l'art populaire au profit de la Culture, cette religion. Et qui barre la route à toute idée régionale, c'est à dire universelle, au profit d'une « cuisine » parisienne et électorale. Du coup, j'ai proposé d'inclure dans le programme une autre grande figure provençale, Michel Galabru, dans une autre reprise, celle de Jules & Marcel. Ainsi Pagnol serait lui aussi de la fête, qui avant d'être unanimement célébré, dut affronter, avec quelle violence et durant toute sa vie, ce snobisme mortifère. Il n'en a pourtant pas fini : j'ai lu quelque part que l'on se félicitait d'avoir épargné à la manifestation européenne « la galéjade et la pagnolade ». Ils n'ont rien compris. « L'heureuse galéjade » comme l'écrit Suarès, « cette politesse du désespoir » selon André Benedetto, est bien la quintessence de l'esprit marseillais. Et Pagnol a été entendu, compris et aimé dans le monde entier parce qu'il aima farouchement sa ville, comme Tchékhov Moscou, New-York Woody Allen ou Molière Paris. Quand il a été sûr que Gilles Ascaride, sa soeur Ariane, son frère Pierre et notre barde national, Serge Valletti, seraient de la fête, nous nous sommes dit que la liste était close et qu'on allait se régaler.
 
Que vive ce beau Printemps des Marseillais, où doit régner le rire et la bonne humeur, la beauté de la nuit provençale et celle de la tragédie populaire, le faste et le « fatche de con ! », la vie, l'amour, la mort. N'en déplaise précisément aux fâcheux et aux cons !